NullPointerException

Blog d’un groupe crypto-terroriste individuel auto-radicalisé sur l’Internet digital

Déchiffrer plusieurs disques chiffrés avec une seule passphrase au boot

On continue dans les petits tutoriels cette semaine !

Introduction

Faire de la crypto-anarchie en chiffrant tout, tout le temps, c’est cool. Avoir whatmille fois sa phrase de passe à taper au boot pour déchiffrer ses whatmille disques durs chiffrés, c’est beaucoup moins cool :D Surtout comme dans mon cas où il y a 5 disques LUKS à monter au démarrage…

Comme d’habitude, un vrai geek cherche toujours à automatiser les taches répétitives. On va donc voir ici comment déchiffrer tous les disques d’un coup et avec une seule phrase de passe, en utilisant la capacité de LUKS à utiliser plusieurs clefs, et un fichier au lieu d’une phrase de passe.

On va donc commencer par se faire un petit fichier qui nous servira de clef pour déverrouiller tous les disques. On ne peut bien entendu pas laisser ce fichier en clair quelque part, sinon n’importe qui qui aurait accès à ce fichier pourrait déchiffrer le disque en question. Et donc réduire la sécurité au néant. Il faut donc le chiffrer, et demander une phrase de passe pour y accéder. La magie de la chose, c’est qu’on va faire ça… avec LUKS ! Joli, non ? :D

Installation

Génération de la clef

Une partition LUKS n’est au final qu’une partition comme les autres. Et ça peut être un simple fichier et pas obligatoirement une vraie partition /dev. Au niveau de son format, on trouve en début de partition des en-têtes LUKS qui servent au déchiffrement (cipher utilisé, clef principale, emplacement des clefs…). LUKS utilise 4096 blocs de 512 octets (soit 2Mo) de données pour ses en-têtes. Derrière ces en-têtes, on a des donnés classiques, qui peuvent être des données d’une partition Ext4 normale… ou juste du bruit aléatoire ! On veut générer une clef de 512 octets, on va donc créer un fichier de 4096+1 blocs de 512 octets, qu’on va ensuite formater normalement avec LUKS

dd if=/dev/urandom of=/boot/key count=4097 bs=512
cryptsetup luksFormat --cipher aes-xts-essiv:sha256 --key-size 256 --hash sha256 /boot/key
cryptsetup luksOpen /boot/key lukskey
dd if=/dev/urandom of=/dev/mapper/lukskey

Ajout de la clef aux conteneurs LUKS à ouvrir automatiquement

On se retrouve donc avec un /dev/mapper/lukskey de 512 octets, rempli de données aléatoires. Le tout est bien à l’abris dans un container LUKS, dont il faut la passphrase pour accéder à son contenu. Un parfait candidat pour une clef de déchiffrement !

On va donc ajouter ce fichier en tant que clef de déchiffrement sur chaque disque qu’on souhaite ouvrir au démarrage. Ainsi, on n’aura plus qu’à saisir la passphrase de notre clef, qui se montera en disque LUKS, et qu’on pourra utiliser pour ouvrir tout le reste, sans saisie d’un mot de passe.

cryptsetup luksAddKey /dev/sda2 /dev/mapper/lukskey
cryptsetup luksAddKey /dev/sdb /dev/mapper/lukskey
…

Mise-en-place de la clef au boot

On a donc une clef, protégée par un mot de passe, et tout plein de conteneurs LUKS avec cette clef autorisée à ouvrir le conteneur. Ne reste donc plus qu’à embarquer tout ça au boot. Pour faire ça, on va utiliser initrd, qui permet d’avoir un système minimaliste au boot, et dans notre cas d’utiliser LUKS.

Un petit hooks initrd qui permet de copier la clef dans l’initramfs :

wget https://gist.githubusercontent.com/aeris/4245691/raw/0ae19000d4ac901d81c01c10822ef693a0c70cf8/lukskey.sh -O /etc/initramfs-tools/hooks/lukskey
chmod +x /etc/initramfs-tools/hooks/lukskey

Un script de boot qui s’occupe de tout le nécessaire pour ouvrir les conteneurs LUKS au boot, à partir de la clef embarquée précédemment :

wget https://gist.githubusercontent.com/aeris/4245691/raw/2661b1ee4119c14b156fc341ed0523d18ef78e13/cryptroot-prepare.sh -O /etc/initramfs-tools/scripts/local-top/cryptroot-prepare
chmod +x /etc/initramfs-tools/scripts/local-top/cryptroot-prepare

Bien sûr, on ne fait confiance à rien, surtout quand ça touche à de la crypto et de la sécurité. Donc on vérifie les empreintes SHA1 des fichiers et que c’est bien moi qui ait écrit tout ça :

wget https://gist.githubusercontent.com/aeris/4245691/raw/92e5af4408b5fc6f468d7af10c129d0b1fdd6c2b/sha1sums -O /tmp/sha1sums
wget https://gist.githubusercontent.com/aeris/4245691/raw/0cd5655eb38e898d9697024fe49231cdd29fad71/sha1sums.asc -O /tmp/sha1sums.asc
gpg --recv-key ECE4E222
gpg --verify /tmp/sha1sums.asc # C'est bien moi
sha1sum -c /tmp/sha1sums # Ce sont les bons fichiers

Vous devez ensuite éditer /etc/initramfs-tools/scripts/local-top/cryptroot-prepare pour y mettre tous les conteneurs LUKS que vous voulez ouvrir à partir de votre clef :

# Add here all your LUKS containers to open during boot
luksOpen UUID=6a646cb8-cfa7-11e3-9748-9bbb835a1308 foo --key-file=/dev/mapper/luksKey

Dans cet exemple, UUID=6a646cb8-cfa7-11e3-9748-9bbb835a1308 est le conteneur à ouvrir (Ici j’utilise un block-device-UUID, plus pérènne que les /dev/sda1 ou autres qui peuvent changer d’un boot à l’autre (ah ah). Vous pouvez lister vos UUID avec la commande blkid.) et foo sera son petit nom dans /dev/mapper.

Pour la petite explication de comment que ça fait pour fonctionner :

# On se crée un loop-device qui va servir à présenter un fichier en tant que block-device
mknod /dev/loop0 b 7 0
# On monte notre clef en tant que block-device
losetup /dev/loop0 /key
# On ouvre notre clef avec notre phrase de passe
luksOpenPassphrase /dev/loop0 luksKey || exit $?
# On monte tout le reste à partir de la clef ouverte
luksOpen UUID=6a646cb8-cfa7-11e3-9748-9bbb835a1308 foo --key-file=/dev/mapper/luksKey
# On ferme la clef
luksClose luksKey
# On supprime le loop-device
losetup -d /dev/loop0
# On rafraîchit LVM pour voir s'il n'y a pas des groupes de volume LVM sur les disques déchiffrés
/sbin/lvm vgchange -a y --sysinit

Il n’y a plus qu’à reconstruire l’image initramfs du système pour prendre en compte tout ce petit monde :

update-initramfs -uk all

Pour vérifier si tout s’est bien passé, vous pouvez dumper le contenu du initramfs et voir la clef et le script de déverrouillage :

cpio -t < /boot/initrd.img-$(uname -r) | egrep "(^key$|/cryptroot-prepare$)"

(Sauf si comme moi vous utilisez les mises-à-jour de votre CPU via le paquet intel-microcode, et là vous devrez patauger à gros coups de hexdump, de la spécification de cpio et de celle des magic numbers (ici pour gzip) pour trouvez le bon offset, chez moi de 12945 octets :D

# Roll a dice and/or expect good waves and/or cosmic ray and run this command
tail -c +$(echo "ibase=16; $(hexdump /boot/initrd.img-$(uname -r) | \
	grep "^[0-9a-f]* 8b1f" | head -1 | awk '{print $1}')+1" | bc) \
	/boot/initrd.img-$(uname -r) | zcat | cpio -t | egrep "(^key$|/cryptroot-prepare$)" )

Il n’y a plus qu’à rebooter et à croiser les doigts… Normalement il n’y a plus que la phrase de passe de la clef à saisir, le reste se déverrouille tout seul !

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